Lectorat d’un janvier aux allures de réchauffement climatique,

Sors ton parapluie,mets ta tuque et va t’acheter Javotte de Simon Boulerice, publié chez Leméac. Je l’ai croqué d’une traite hier soir, sans quoi je n’aurais pu dormir paisiblement.

Tu te souviens de Javotte, la demie-sœur un peu bitch de Cendrillon ? La sœur d’Anastasie ? Oui oui, les deux sœurs au vilain profil dans la version de Disney. Celles à qui le soulier de vair n’allait pas. Simon Boulerice a ressuscité ces deux chipies dans la peau d’adolescentes en crise. Crise familiale, crise identitaire, crise ordinaire de jeune fille qui voudrait tant être une princesse.

Je vois déjà ton regard interrogateur, lectorat. Pourquoi voudrais-tu lire ça, me demandes-tu ?

Parce que le personnage de Javotte est plus grand que nature. Parce que la plume de Boulerice est subjuguante. On l’entend raconter l’histoire. Même les horreurs du quotidien troublant de Javotte deviennent des histoires à croquer comme des bonbons. Les courts chapitres défilent devant nos yeux, on veut savoir avec qui Javotte ira au bal, si le Pepsi ça donne vraiment une si bonne haleine, si Luc la remarquera enfin ou si elle finira pas tuer sa mère à force de la détester. On suit sa vengeance (découvre toi-même de quoi elle veut se venger, pas de dévoilement ici), une vengeance si bien échafaudée qu’on la voit à peine se planifier sous nos yeux. Javotte, c’est un cœur torturé, un corps prison comme celui de toutes les adolescentes. Javotte, c’est la grande sœur aux répliques cruelles, aux gestes paradoxalement tendres envers une petite sœur martyrisée, celle qui paie pour toutes les douleurs d’ado en quête de devenir un personnage plus grand que nature. Bien qu’on n’a jamais été une sœur exactement comme elle, on l’a tous été un peu. Ordinaire en quête d’extraordinaire. On oublie souvent qu’être adolescent, c’est à peu près essentiellement ça.

À côté de Javotte, Cendrillon prend un méchant coup de vieux.

Je termine ce billet, lectorat, en professant mon affection pour nos jeunes auteurs québécois. Qu’on les aime ou qu’on les déteste, ils ont le cran d’imposer leurs plumes au milieu de la jungle littéraire parfois impitoyable. Ils sont la relève. Il faut leur faire attention, les critiquer intelligemment et les pousser à écrire davantage. Je ne suis pas en train de dire qu’on doit tout encenser et se retenir de ne pas aimer. Que tu aimes ou pas, lectorat, je m’en fiche. Exprime-le correctement par contre. Ou tais-toi.

Bref, je songe à devenir fée marraine.